Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Le secteur des expériences numériques immersives est un secteur aux multiples disciplines qui emprunte, dans ses modes de production, à plusieurs autres domaines artistiques, par exemple, la musique, le théâtre, la publicité, le spectacle, le jeu, le cinéma, l’architecture, la scénographie, le tourisme, la santé, la formation et le sport. L’évolution des technologies a eu un grand impact sur les types de produits offerts. Elle permet aujourd’hui de proposer des expériences numériques immersives de grande qualité dans des nouveaux formats.
Les avancées technologiques des dernières années ont permis de développer des projets variés, des expériences immersives innovantes, originales et très appréciées du public. La majorité des répondantes et répondants jugent que l’avancement des technologies est essentiel à l’amélioration des créations d’expériences immersives. Les sections suivantes en présentent les détails.
Les expériences immersives en réalité virtuelle et en réalité étendue se sont développées ces dernières années et les techniques de création des contenus ont su tirer davantage des techniques du jeu vidéo. La particularité de la réalisation en 360 degrés et les possibilités d’interaction ont propulsé ce type d’expérience. Les expériences sont plus immersives car les dispositifs de diffusion (casques) sont de plus en plus performants. La puissance des restitutions d’images et la puissance de calcul des processeurs permettent de créer des contenus qui dépassent le simple prototype. Plusieurs expériences sont créées en réalité augmentée, en réalité virtuelle et en réalité mixte. On parle aussi de virtualité augmentée[^1].
[^1]: La virtualité augmentée fait référence à l’environnement virtuel agrémenté d’éléments réels.
Les avancées technologiques des expériences numériques immersives ont permis le développement des dispositifs de diffusion : environnements de développement, casques de visionnement, puissantes cartes graphiques et appareils holographiques. Elles ont également permis le développement d’outils de projection vidéo plus performants et de formats multiples à moindre coût. Certaines expériences exigent la projection sur grandes surfaces, dépassant de beaucoup les formats de cinéma. Les objets deviennent également des vecteurs de communication : en étant connectés à internet, ils permettent de concevoir des expériences personnalisées, notamment avec l’apport des appareils intelligents que l’on peut porter sur soi (wearables) comme les vêtements intelligents, le bracelet intelligent, les gants de données (data gloves) et autres. Enfin, les téléphones et tablettes numériques sont aussi des dispositifs de plus en plus performants; ils offrent désormais des numériseurs intégrés et des caméras de haute qualité ainsi que des scanners 3D intégrés.
Illustration: Cyril DoisneauLes logiciels de création d’expériences numériques se sont beaucoup développés et suivent les grandes tendances du jeu vidéo et des effets visuels. Les logiciels génératifs donnent beaucoup de liberté aux artistes qui peuvent créer de manière plus indépendante et autonome. Cela leur permet de réaliser des productions avec de plus petites équipes.
On parle ainsi de :
L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les expériences numériques immersives permettra des expériences plus engageantes, singulières et personnalisées. La domotique institutionnelle (automatisation des installations interactives in situ, serveurs intelligents, etc.) et celle du divertissement pourront bénéficier de l’intelligence artificielle. En étant très présente dans les systèmes de contrôle des ordinateurs et des serveurs, l’intelligence artificielle fera bientôt partie intégrante de projets culturels, notamment pour de grandes installations dans le milieu muséal et les parcs à thèmes. Elle est aussi en voie d’implantation dans d’autres milieux tels que le marketing, le tourisme, l’aéronautique et la médecine. L’intelligence artificielle permettra surtout de créer de nouvelles fonctionnalités au sein des expériences interactives, particulièrement avec l’évolution rapide des objets connectés de la vie de tous les jours. Par exemple, les visites aux musées du monde entier en virtuel pourront être adaptées aux intérêts, aux handicaps, à la culture, aux habitudes de vie et aux choix narratifs de la personne utilisatrice.
L’apport des technologies infonuagiques dans le secteur va, tout comme dans le jeu vidéo, changer les pratiques de conception, de création, d’installation, de diffusion et même de distribution des expériences immersives.
Les installations publiques parfois voraces sur le plan de la réseautique pourront déporter leur puissance de calcul sur des serveurs distants et seuls les ordinateurs de base seront présents sur place pour accéder aux contenus. En ce sens, la 5G et le calcul sur le nuage vont permettre aux expériences de réalité mixte, réalité augmentée, réalité virtuelle et virtualité augmentée d’être mieux distribuées car les appareils requièrent beaucoup de puissance pour afficher une bonne qualité visuelle sans latence.
Le secteur des expériences numériques immersives fait appel à plusieurs métiers et de nouvelles générations de créatrices et créateurs spécialistes des technologies immersives existent aujourd’hui. Le secteur des expériences numériques immersives englobe des métiers liés à la narrativité, à la réalisation, au design d’expérience, au design d’environnements, aux expertises en captation, aux arts de la scène, à la modélisation 3D, à la texture et à l’éclairage, aux techniques en animations 2D et 3D, aux effets visuels et simulations, à la composition d’images et aux expertises en rendu. Se joignent aussi à cette liste les métiers touchant la postproduction et la programmation, la spatialisation audio 360, l’intelligence artificielle et le design d’interactivité sous plusieurs formes.
Les chaînes de production et de fabrication sont différentes de celles du jeu ou du film à plusieurs égards. D’une part, parce que ces expériences immersives s’inscrivent dans l’espace, dans le mouvement et d’autre part, parce qu’elles ont généralement lieu dans les espaces publics, avec des clientèles variées, hors écran, nécessitant des règles, des déplacements et des situations particulières liées au lieu de diffusion. Ces produits demandent des réflexions de design, par exemple, afin d’en assurer la robustesse; par conséquent, des éléments physiques pourraient être fabriqués afin de faciliter les besoins de déplacement et de manutention liés aux produits. Souvent distribuées à l’international, ces expériences dans les lieux physiques se distinguent quant aux normes fonctionnelles connues dans le domaine du jeu ou du cinéma. À ce titre, ces expériences se rapprochent davantage des arts de la scène.
Les artistes qui travaillent dans ce secteur sont en constante réflexion sur les outils et les types de produits proposés. Les recherches et les expérimentations en expériences immersives sont nombreuses en raison de la mixité des outils et des technologies scénographiques, sonores, architecturales et autres. L’évolution des technologies facilitera le travail des artistes, car les nouvelles technologies réduisent les contraintes techniques et repoussent les frontières du possible en création d’expériences.
Plusieurs groupes de recherche universitaires proposent de nouvelles formes d’art qui alimentent beaucoup l’industrie de la création numérique. Avant de proposer des produits au marché et afin d’en assurer la viabilité économique, l’industrie mise sur l’expérimentation. Par exemple, pour tourner des films de réalité virtuelle en temps réel sur Unreal, les réalisateurs traditionnels doivent revoir leur code cinématographique et leurs méthodes afin de s’ajuster au dispositif. C’est déjà un nouveau métier qui demande de revoir son expertise. Pour les artistes qui travaillent sur ces projets, se sont de nouveaux outils et de nouveaux procédés d’intégration à apprivoiser, spécifiques à ce type d’expérience.
Il en est de même pour le cinéma, les tournages en 360 degrés, le montage en 360 degrés pour des dômes ou même des projections sur des volumes et dans des espaces volumétriques. Le langage cinématographique doit s’adapter aux nouveaux dispositifs d’immersion spatiale. Les manières de raconter les histoires sont différentes, et l’art de la narration évolue.
Apparaissent également des possibilités de traitement de documents et de curations automatisées et collaboratives pour les musées ou les centres de documentation qui leur permettraient d’offrir l’accès à leurs trésors par le biais d’applications d’immersion. À cet égard, diverses institutions muséales se livrent à maintes expériences de conception créative (design thinking) et d’expérimentation.
Pour résumer, le jeune secteur effervescent des expériences numériques immersives apparaît comme un milieu extrêmement créatif et innovant, qui oblige à penser en dehors des cadres établis et connus de diffusion et de distribution. Ce n’est ni du cinéma, ni du jeu vidéo, ni de l’art au sens traditionnel. Voilà pourquoi il se distingue du marché du jeu vidéo et du cinéma ou de la télévision.
Dans le cadre du forum Mutek[^2], des chercheurs présentent tous les ans le résultat de travaux qui alimentent la recherche-création[^3] ainsi que la recherche et le développement dans plusieurs domaines. Ces recherches explorent le lien entre la narrativité et le dispositif : « Utiliser les technologies pour visiter le story living, du story experiencing, voire du story sensing, plutôt que du storytelling » (Morriet 2019).
[^2]: MUTEK est une organisation internationale dédiée à la diffusion et au développement de la création numérique sonore, musicale et visuelle.
[^3]: La recherche-création ne prétend pas à simplement augmenter le répertoire artistique ou le patrimoine culturel, elle se doit de proposer des discours inédits, élaborer des univers différents, suggérer même de nouveaux modèles de pensée par les approches expérimentales, exploratoires ou critiques qu’elle utilise (Acfas s. d.).