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Expériences numériques

Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation

2.5.Évolution technologique et nouveaux métiers : approche prospective

Ce que SYNTHÈSE retient des trois secteurs de création numériques étudiés, est que ces derniers ont des processus et des contingences différents mais tous travaillent vers une plus grande immersion graphique, pour la fidélisation des amatrices et amateurs, et visent à favoriser la collaboration au sein de leurs auditoires respectifs. Les innovations technologiques vont toutes dans ce sens.


Par conséquent, il faut se poser la question de l’impact de ces transformations sur les métiers et expertises (2.5.1) sur l’impact de ces transformations sur le développement de nouvelles compétences et de nouvelles formations (2.5.2) et sur les collaborations à développer pour que le Québec demeure un chef de file face à ces enjeux (2.5.3).


2.5.1.Quel avenir pour les métiers et expertises graphiques?

Certains experts et expertes voient venir une convergence des expertises graphiques, de la conception d’un personnage à son animation, de la création d’environnements dans un seul jet créatif par une ou un seul artiste.


On passerait ainsi d’un monde d’expertises « en silos » à une transversalité des métiers graphiques qui s’intensifierait notamment avec l’arrivée des logiciels procéduraux, particulièrement en jeu vidéo. Cependant, sans être réducteur sur ces pratiques, les expertises individuelles demeureraient très importantes, voire indispensables, notamment en effets visuels et en animation.


À cela s’ajoutent les changements au sein des chaînes opérationnelles de production qui valorisent de plus en plus l’automatisation des procédés graphiques. Toutefois, l’automatisation et l’intégration de procédés artistiques ne signifient pas que les expertises artistiques sont amenées à disparaître. Les professionnelles et professionnels de la création verront au contraire leur contribution aux projets évoluer et leurs connaissances seront mises à contribution de façon différente. Par exemple, les animateurs travailleront avec les programmeurs afin de définir les données nécessaires à la construction d’un algorithme contenant les spécifications d’ordre artistique et de style qui relèvent de leur discipline. 


Dans ce contexte, comment – et quand – ces métiers changeront-ils ? C’est une question complexe qui demande de se pencher sur les différentes expertises en particulier et de repenser les tâches en continu. Un travail colossal mais impératif. Les différentes personnes expertes consultées ont des visions différentes qui tiennent compte de la particularité des métiers, mais tous observent les nouvelles tendances d’automatisation et d’évolution rapide de leurs pratiques.


Que ce soit le rendu d’images, le tracé par rayons optiques (ray tracing), le procédural dans les logiciels mais aussi sur l’ensemble des chaînes de production, l’USD, la gestion et la performance des rendus, la capture de mouvement (denoising et upscaling), la production virtuelle sur les plateaux de tournage, les logiciels et les extensions (plug-ins) novatrices, l’infonuagique, le travail collaboratif, toutes ces initiatives convergent vers une adaptation rapide d’une nouvelle façon de faire en création numérique.


2.5.2.Comment adapter la formation à ces nouvelles réalités ?

Cette nouvelle perspective de la création numérique change les programmes de formation initiaux et augmente le besoin de formation continue des artistes.


2.5.2.1.Adapter les formations initiales

Plusieurs expertes et experts consultés s’entendent sur le fait que les programmes de formation actuellement dispensés s’améliorent mais demeurent incomplets et insuffisants vu la rapidité et la quantité des changements. À ce titre, un répondant en jeu vidéo dit :


« Pour ma part, j’ai vu arriver le CD-rom, l’internet à la maison, Google, le *touch screen*, le 360, la RV, etc. On peut s‘attendre à ce que les dix prochaines années apportent autant de perturbations. Impossible de prévoir vraiment l’évolution de nos métiers. Mais il est possible de prévoir qu’il va falloir s’adapter plus vite.

Parmi les sujets qui confirment les changements en cours, on peut citer par exemple :



  • Comment implémenter le Deep Fake dans la chaîne de production en composition d'images.

  • Comment automatiser le flux de travail de squelettage (rigging) par des scripts spécialisés.

  • Comment utiliser le logiciel Houdini – ordinairement réservé aux effets de simulation – dans une chaîne de production de textures, d’éclairage et d’animation ?

  • Comment gérer l’intégration du code source privé et celle des logiciels commerciaux ?

  • Comment créer les personnages, animer leur visage et générer leur voix automatiquement à partir d’un texte (text-to-speech) sans même l’aide d’actrices, d’acteurs ni d’enregistrements ?

  • Comment créer un objet 3D à partir d’une simple photo, sans passer par la modélisation, la texture et l’éclairage ?


De plus, des questions structurelles se posent pour répondre aux besoins : qui est habilité à donner ces cours ? Avons-nous assez d’expertes et d’experts au Québec afin de favoriser le partage d’expertises et la mise en pratique de formations ciblées de haut niveau ? Plusieurs entreprises du secteur peinent à trouver des expertes et experts enseignants pour mettre à niveau leur équipes. Plusieurs sont forcés d’envoyer des équipes entières se former à l’étranger, et ce à coût élevé. Cette tendance a pour effet de ralentir le nombre de formations et fragilise la rétention des employées et employés.


2.5.2.2.Renforcer la formation continue

Dans ce contexte de changements technologiques rapides, la formation continue des artistes devient primordiale, particulièrement en cette période où la main-d'œuvre qualifiée est extrêmement recherchée par les trois secteurs.


Les répondantes et répondants de cette enquête ont soulevé certains changements déjà bien perceptibles sur ces transformations au niveau des postes d’entrée et de juniors, lesquels seront détaillés dans le prochain chapitre.


Certains experts et expertes demeurent perplexes sur les effets qu’auront ces avancées technologiques et ne perçoivent pas bien encore comment elles pourront s’appliquer au quotidien dans leur métier créatif.


Parmi ces avancées technologiques évoquées par les répondantes et répondants, certaines n’ont pour le moment pas d’incidences directes sur les formations initiales. Toutefois, on peut s’attendre à ce que ces avancées changent les couleurs du tableau créatif québécois et nécessitent le développement de formations continues. On en rappelle ici les principales :


La 5G

Avec l’arrivée de nouveaux casques beaucoup plus performants au niveau de la restitution de l’image, la 5G va contribuer à l’explosion des expériences immersives et de réalité étendue.


Pour les parcs à thèmes et les expériences interactives dans les lieux publics, la 5G va permettre d’évacuer les installations de fils réseaux limitant ou de sans-fil déficient, mais aussi de permettre aux joueurs d’interagir à partir de leur téléphone ou autres objets haptiques connectés plus instantanément.


Selon Paul Fortier, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l’Université Laval : « On parle d’une augmentation d’un facteur 1 000 par rapport au réseau actuel : 100 fois plus d’appareils connectés avec un débit multiplié par 10. C’est un saut quantique ! » (Corniou 2020).


Les jeux mobiles vont aussi être propulsés, à la fois par cette nouvelle norme en favorisant le jeu collaboratif – plus de joueurs en simultané – et par la meilleure qualité des univers graphiques et immersifs. 


Les opérations en continu (LiveOps)

Elles contribuent à la fidélisation des joueurs et des consommateurs ainsi qu’aux franchises de jeu en continu. Les artistes appelés à travailler sur ces productions – qui peuvent durer jusqu’à dix ans – devront également se renouveler en continu et entrevoir les adaptations technologiques dans un processus créatif soutenu sur le long cours. Les questions soulevées par les entreprises : comment garder des créateurs motivés et créatifs sur une même franchise toutes ces années ? Comment maintenir ces expertes et experts en phase avec les avancées technologiques ? Comment monétiser adéquatement les franchises en continu et comment former les nouvelles cohortes dans cet esprit de collaboration continu, cette création et cette expérimentation en continu ? La formation continue semble primordiale dans un contexte où les artistes devront à la fois créer des chaînes de production d’éléments graphiques agiles afin de répondre aux désirs des amatrices et amateurs en plus d’élaborer des stratégies de création de contenu et de partage des outils de création. Car aujourd’hui le joueur est aussi un producteur de contenu, via les plateformes collaboratives.


Le jeu et le nuage

La production de jeux avec les outils nuagiques a déjà changé les pratiques. L’utilisation des outils de collaboration a été accélérée dans le contexte de la pandémie de COVID-19, même dans des secteurs où cela semblait impossible en raison de contraintes de confidentialité et de sécurité. Les entreprises et les artistes ont su s’y adapter rapidement (entre 2 et 4 semaines).


Au-delà des possibilités accrues de collaboration, le jeu à la demande (cloud gaming) propose des consoles de jeu nuagique qui transformeront certaines pratiques sur le plan technique et peut-être artistique. Sur ce sujet les avis diffèrent. L’avenir de ces plateformes reste encore en suspens, et les artistes ne voient pas bien encore comment cela changera leur pratique artistique, mais chose certaine des adaptations sont à prévoir. Certains pensent qu’il n’y aura pas d’incidence sur le travail direct des artistes. D’autres confirment que ce sera entrevu comme une console de jeu supplémentaire, avec des adaptations nécessaires. Certains préconisent une évolution importante dans la façon de créer les jeux. Comment préparerons-nous les nouvelles générations d’artistes pour faire face à ces changements ?


Le rendu d’image et l'hyperréalisme

Le rendu d’image demeure un défi, par exemple, la morphogénèse, les avancements dans le rendu physique réaliste (physically based rendering - PBR), le tracé par rayons optiques (ray tracing) et les ambiances et ombrages (shaders). 


Les techniques d’éclairage et d’ombrage ont beaucoup évolué ces dernières années au niveau des pratiques et des logiciels, notamment en jeu vidéo. Une meilleure automatisation des procédés pour atteindre des niveaux visuels très réalistes faisant fi des lois de la physique représente un défi pour les artistes. 


Les professionnelles et professionnels interrogés dans l’enquête ont souvent mentionné que plus on optimise les engins de rendus pour permettre un calcul rapide des images, plus le niveau graphique augmente sur le plan créatif, si bien que, finalement, les temps de rendu restent les mêmes. Un répondant l’explique :


« Ça fait 25 ans que je travaille dans le domaine des effets visuels et ça fait 25 ans que les CPU et les GPU s’améliorent puis ça fait toujours le même effet, dans le fond. On s’adapte. Les temps de rendu restent toujours les mêmes parce que plus les machines sont rapides…. Plus on augmente la qualité ! Ça ne change pas !

Les techniques de rendu, les temps de calcul et la qualité des images resteront des défis pour les studios. Les nouveaux logiciels de rendu deviennent des bolides de Formule 1 que les nouveaux artistes devront maitriser parfaitement comme outils, mais ils devront également repousser les limites qui sont imposées par ces technologies.


Le temps réel au cinéma : la production virtuelle

La production virtuelle connaît un grand essor depuis le début de 2020, notamment en raison des contraintes imposées par la pandémie (limitation des voyages et des regroupements physiques). Comment ce genre de tournage changera les métiers d’artistes de postproduction ? Cette nouvelle technique de captation va-t-elle transformer et accélérer les processus de postproduction ou va-t-elle mener plutôt à une autre façon de faire à laquelle plusieurs corps de métiers devront s’adapter ? 


Pour l’instant, les artistes de postproduction voient leur apport davantage valorisé car ils participent plus tôt au processus de création, par la prévisualisation et le travail avec les équipes de production (tournage). Les compétences artistiques des artistes de postproduction seront mises à contribution plus tôt dans le processus mais aussi plus librement. Les compétences des artistes de postproduction, notamment des effets visuels, devront dépasser la simple exécution d’une commande pour un plan ou une séquence. La synergie entre la préproduction et les chaînes de production des effets visuels changera les procédés traditionnels de création cinématographique. La formation sera nécessaire pour les professionnelles et professionnels qui manipulent ces nouveaux outils, comme le moteur de rendu en temps réel, l’installation des écrans, les ajustements de caméra en lien avec le moteur de rendu, etc. Les techniciens d’éclairage de plateaux, les réalisateurs et les superviseurs de plateaux et d’effets visuels ainsi que les artistes de postproduction devront être formés rapidement pour répondre à ces nouveaux besoins artistiques et techniques.


Certains experts et expertes en composition d’image rapportent que, vu l’itération et les changements fréquents, cette façon de tourner reste moins flexible que les fonds verts en cas de changements. Aussi, certains compositeurs ont rapporté que les changements à faire sur ces plans sont fréquemment demandés et exigent des manipulations particulières auxquelles ils doivent s'adapter. Évidemment ces nouveaux procédés de création requerront des ajustements et de la formation visant tout particulièrement ce genre d’intégration en composition d’image.


Pour certains, la production virtuelle est une technique qui s’ajoute aux anciennes. Pour d’autres, c’est une révolution à venir. C’est une nouvelle expertise que les studios de services de postproduction peuvent désormais offrir, poussant les technologies de prérendu à s’adapter aux pratiques de temps réel. Des répondantes et répondants nous ont indiqué que ces avancées technologiques changent la façon de budgéter et de traiter les plans. Un expert explique : 


« Nous allons nous positionner dans ce secteur-là, c’est comme une nouvelle demande. […] Chaque département est super excité de voir arriver cela. Par exemple, les compositeurs sont heureux de ne pas être obligés de faire les plans les plus simples car ceux-ci seront tournés *live*, en réalité virtuelle. Certains plans pourront être traités de façon plus légère par le client sur le plateau de tournage et nous ne garderons que les plans qui auront le plus de valeur ajoutée.
Intégration de la description de scènes universelles (USD) dans les chaînes de production

L’USD, outil d’accès libre (open source), prend aujourd’hui la place des logiciels propriétaires. Un logiciel comme Alambic permet de créer une passerelle pour le transfert d’un logiciel à l’autre de manière interdisciplinaire. Il va changer la façon de travailler des artistes et grandement simplifier l’ensemble de la chaîne de production des trois secteurs. La majorité des studios consultés sont en cours d’adaptation à cette nouvelle norme. Houdini intègre le format USD, Clariss, Maya 2022, Unreal ainsi que d’autres logiciels. 


Ce nouveau mode de perméabilité changera les façons de travailler des artistes et simplifiera énormément les flux de production. Par exemple, cela permettra de créer dans un logiciel X et rendre les images dans un logiciel Y. Les compositeurs pourront à partir du logiciel de composition d’image NUKE ouvrir des scènes 3D pour fins de corrections et d’ajustements. Les entreprises des trois secteurs implantent déjà l’USD dans leurs chaînes de production. L’implantation d’USD en jeu vidéo comme en effets visuels exige déjà des formations pointues et l’adaptation rapide des travailleurs ainsi que de la formation continue dans tous les métiers graphiques.


Les projections multi-formats, la numérisation 3D et l’holographie

Dans les productions immersives, bien que nous parlions beaucoup des expériences de réalité étendue, les parcs à thèmes, les projections multi-formats et les scans 3D multi-formats sont des nouvelles approches qui solliciteront le travail des artistes et des créateurs en immersion. Certains citent le déploiement des nouveaux écrans à pixels comme des avancées qui vont changer leur façon de concevoir et de produire mais aussi les avancées dans les projections holographiques hors du cadre. Les différents composants haptiques (les technologies qui permettent de jouer sur les sensations physiques et mécaniques des joueurs, vibrations, picotement de peau, chaleur, etc.) génèrent des nouvelles formes d’affordance[^1] et les artistes graphiques auront à conjuguer avec ces outils innovants. Les recherches en expériences numériques avancent rapidement et les programmes de formation ainsi que la relève se font rares. Parce que ce secteur est nouveau et qu’il promet des innovations technologiques évidentes, la formation d’artistes spécifiques à ces nouveaux métiers créatifs est criante et urgente.


[^1]: L’affordance, ou potentialité, est la caractéristique d’un objet ou d’un environnement qui suggère à son utilisateur son mode d’usage ou autre pratique. Le terme, emprunté à l’anglais, provient de la psychologie et est utilisé en ergonomie par glissement de sens (Wikipédia 2020).


2.5.3.Le défi de l'intégration et de la collaboration entre la pratique en entreprises et la recherche académique

Illustration: Cyril Doisneau

Les grands défis techniques d’aujourd’hui ne consistent pas tant à faire de la programmation informatique à grande échelle ou à inventer de nouveaux logiciels mais plutôt à intégrer une abondance de nouvelles technologies, telles que les applications et les versions de logiciels, les composantes de réseautique (notamment les outils des fournisseurs de services nuagiques, par exemple, AWS et Google), en une chaîne de production fonctionnelle permettant de créer un produit parfait.


L’évolution de l’apprentissage automatique et de l’intelligence artificielle dépendent des expertises graphiques des différents secteurs pour monter des ensembles de données (data sets) et entraîner et corriger les algorithmes à appliquer à chaque discipline. Les programmeurs devront se rapprocher des artistes et les artistes des programmeurs. À terme, ce sont ces deux disciplines qui doivent se transformer et converger vers la création d’une intelligence commune artificielle, en divertissement.


Les chercheuses et chercheurs universitaires conçoivent la théorie derrière les algorithmes mathématiques, mais c’est le travail des programmeurs et des artistes en production de les intégrer, d’ajuster ces théories à la réalité pratique et aux impératifs esthétiques afin de livrer un jeu ou un film qui réponde aux lois du marché. Cette intégration comme toute recherche scientifique doit être réalisable et reproductible. Voilà le grand défi de l’apprentissage automatique de nos jours : l’intégration. L’intégration et l’opérationnalisation des nouvelles automatisations sont des enjeux majeurs.


Un répondant responsable de l’intégration des technologies en jeu vidéo explique : 


« Si on regarde par exemple comment intégrer du *machine learning* pour faire des tâches d’un animateur…. Comment on intègre ça dans le flot?

Dans le flot ce n’est pas juste intégrer un *plug-in*… il faut qu’on casse la chaîne d’assemblage pour connecter quelque chose dans le milieu qui va faire une partie du travail sans que ça nous ralentisse et sans que ça nous bloque... et là il y a un travail à faire colossal d’intégration mais ça reste de l’intégration ! Quelqu’un d’extrêmement compétent avec un doctorat va avoir fait un bout d’intelligence artificielle qui permet d’automatiser une partie du travail et quelqu'un de très ferré dans l’intégration et la pratique du métier va comprendre comment arrimer ça ensemble pour que ça fonctionne...

Ce n’est pas juste un ou deux vecteurs x et y qu’il faut comparer pour prendre la bonne décision d’intégration. C’est comme un cube à plusieurs dimensions, complexes, qu’il faut évaluer pour trouver la bonne façon d’intégrer ça et qui va : fonctionner, être performant, sans *bug*, qui va réussir aussi à parler avec trois logiciels différents et en plus, qui ne va pas ralentir la personne dans son quotidien. Ça prend beaucoup de réflexion et c’est beaucoup là où les projets se plantent… L’opérationnalisation de la chose est le défi!

Le Québec se doit être un joueur important dans ces avancées, les institutions de formation et les entreprises – en tandem – doivent s’y préparer dès aujourd’hui. Le Québec a toujours été un leader en matière d’innovations technologiques en imagerie 2D et 3D, on pense à Kaydara, Softimage et Houdini. Comment maintenir cette renommée aujourd’hui sans tenir compte des nouveaux agents de changements ? La formation continue et l’expérimentation en apprentissage automatique valorisant les métiers graphiques doivent faire l’objet d’analyses poussées et jouir du financement nécessaire afin de répondre aux exigences des prochaines années dans les secteurs du divertissement.


Les freins au développement de l’intelligence artificielle

Plusieurs éléments viennent freiner le développement de l’intelligence artificielle.


Tout d’abord, même si l’IA est bien développée au Québec, il y a peu ou pas d’expertise dans le domaine du divertissement; les entreprises et universités manquent cruellement de financement pour faire des avancées dans ce secteur.


Ensuite, les échéanciers serrés auxquels sont confrontées les équipes de production ne leur permettent pas de réfléchir et créer de nouvelles avenues de production – à l’exception peut-être de quelques grandes entreprises qui en ont les moyens.


Enfin, les expertises de production sont segmentées en départements, en silos : l’expérience, la narration, le design, le graphisme, la programmation, la commercialisation, la gestion. Cette segmentation bien qu’utile pour développer la vitesse et la qualité des produits ne favorise pas la mixité des pratiques et les échanges favorables à l'automatisation des flots de production.


Mais l’un des freins majeurs demeure que la recherche en milieu collégial et universitaire et la pratique en entreprise n’ont pas encore assez de passerelles de prototypage structurantes au Québec pour collaborer pleinement au partage des connaissances dans ces secteurs.


Mis à part quelques organisations connues telles qu’Ubisoft et La Forge, ou le Studio de Eidos et l’Université de Sherbrooke, par exemple, la collaboration entre chercheuses, chercheurs, praticiennes et praticiens n’est pas assez valorisée. La majorité des expertes et experts en pratique nous ont avoué ne pas connaître les travaux de recherche académique dans leur champ d’expertise. Plusieurs recommandations vont dans ce sens dans le rapport du Bureau du cinéma et de la télévision (BCTQ) sur l’intelligence artificielle dans les effets spéciaux et l’animation. Les technologies et la façon de penser le divertissement changent, les techniques liées à leur réalisation aussi.


Préparons demain !

Le leadership et l’expertise du Québec, surtout dans le secteur de la 2D et 3D, sont reconnus depuis plus de 25 ans dans le monde entier.


N’oublions pas que le premier film d’animation 3D conçu par ordinateur Tony de Peltrie (Lachapelle et al. 1985) a vu le jour dans un laboratoire de Polytechnique de l’Université de Montréal. Cette innovation des années 1980 a suscité un développement florissant d’industries innovantes telles que Softimage, Kaydara, SideFX, Autodesk Alias et autres.


Aujourd’hui, fort de son passé, le Québec est toujours à la fine pointe des développements technologiques en effets visuels, en animation et en jeu vidéo. La transformation de la chaîne de valeur de la dernière décennie et l’adaptation aux évolutions technologiques ont fait croître l’expertise québécoise en matière de création numérique.


Le Québec doit dès à présent préparer les expertes et les experts qui dirigeront les nouvelles avenues créatives. Les efforts de formation initiale et de formation continue doivent s’intensifier et tenir pour garantie l’avenir des entreprises du secteur. Si le Québec veut garder son blason de chef de file, il faut sans attendre enrichir les programmes de formation, les multiplier, former des professeures et professeurs de second et troisième cycle qui sauront concilier, avec l’aide des entreprises, les recherches innovantes vers un savoir pratique et académique.


Illustration: Cyril Doisneau
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