Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
À la lumière des résultats de la revue documentaire, des informations obtenues de la part des professionnelles et professionnels des trois secteurs ayant participé à l’enquête, ainsi que des enseignantes et enseignants des programmes collégiaux et universitaires menant vers les métiers graphiques 2D et 3D, ce rapport retient les aspects suivants :
Illustration: Cyril DoisneauLes entreprises des trois secteurs de la création numérique ciblés dans l’étude connaissent une forte demande en main-d’œuvre qu’elles peinent à pourvoir avec le bassin actuel de professionnelles et professionnels qualifiés de la province. Toutefois, les postes avancés pour lesquels les difficultés de recrutement sont les plus importantes ne sont pas à la portée de finissantes et de finissants des programmes de formation collégiaux et universitaires.
Les résultats des sondages réalisés auprès des ressources humaines d’entreprises stratégiques des trois secteurs démontrent que des entreprises de toute taille embauchent des diplômées et diplômés des programmes ciblés par l’enquête pour des postes d’entrée et juniors.
Les résultats de la revue documentaire et des entretiens démontrent qu’un niveau assez variable de spécialisation est nécessaire à l’embauche pour ces postes selon la taille des entreprises et l’organisation de leurs chaînes de production. À cela s’ajoutent les changements technologiques et organisationnels constants et rapides des studios qui influencent les attentes des employeurs quant au niveau de maîtrise des disciplines artistiques que doivent détenir les postulantes et les postulants. Ce niveau peut varier d’un studio à l’autre. En général, les entreprises de toute taille soulignent qu’elles cherchent à engager des profils particuliers et s’attendent à ce que les compétences associées à ces derniers soient mises en valeur dans le portfolio de la candidate ou du candidat qui postule.
La qualité technique et la qualité artistique du portfolio ainsi que les compétences comportementales des candidates et des candidats ont été identifiées comme les éléments les plus importants considérés par les recruteuses et les recruteurs.
Les changements technologiques ont des impacts majeurs sur l’ensemble des maillons de la chaîne de production sur : la structure organisationnelle des entreprises; les tâches et les responsabilités des métiers et les compétences essentielles à leur réalisation; et les modèles d’affaires des organisations. On retient de l’ensemble de ces changements une propension à la vitesse croissante du rythme de production : allant de l’accélération de la vitesse d’exécution des tâches artistiques à la quantité sans cesse grandissante de contenus à produire. La recherche d’optimisation et d’efficacité est constante et a deux conséquences : l’automatisation de plus en plus présente des tâches manuelles non artistiques; et l’intégration d’outils permettant la génération procédurale de contenus numériques dans les processus de production.
Ces changements technologiques et organisationnels qui s’installent ont et continueront d’avoir une influence directe sur l’exercice des métiers et sur les compétences associées aux postes d’entrée et juniors visés par les programmes collégiaux et universitaires. Les transformations à surveiller sont :
Dans les prochaines années, l’intelligence artificielle va permettre d’automatiser de plus en plus les tâches répétitives simples comme la rotoscopie, les suivis de mouvement et de caméra (tracking et matchmove), certaines tâches d’animation et de composition, etc. Elle permettra aussi une plus grande part de création assistée. La mise en œuvre de ces nouvelles technologies exigera des compétences transversales accrues en collaboration afin de permettre le travail en équipes multidisciplinaires, alliant artistes, programmeurs et développeurs de ces nouveaux outils.
À terme, les compétences les plus recherchées seront la capacité à développer une vision artistique, la capacité d’analyser des images et le sens de l’observation (œil artistique). Les développements en intelligence artificielle et leur rapidité d’implantation dans l’ensemble des entreprises de toute taille et de tout secteur sont, toutefois, difficiles à prévoir.
En expériences numériques, notamment en réalité virtuelle, l’utilisation des moteurs de jeu devient incontournable. Ainsi, apprendre à utiliser ces outils devient de plus en plus important, même au niveau des postes d’entrée et juniors, tous secteurs confondus.
Les besoins à combler pour l’offre de formation initiale vont de pair avec les constats quant aux exigences d’embauche des postes d’entrée et juniors, l’influence des changements technologiques sur les compétences et les pratiques des métiers graphiques 2D et 3D. Ces besoins sont les suivants :
Illustration: Cyril DoisneauLe décalage entre l’offre de formation initiale et les besoins en entreprise a des causes multiples et complexes. À la lumière des réponses des intervenantes et intervenants, voici les points de friction que l’on relève :
Ce rapport propose des pistes de réflexion qui pourraient renforcer l’adéquation formation-emploi entre les programmes de formation collégiale et universitaire et les entreprises des trois secteurs ciblés. La collaboration, la concertation et la complémentarité entre les cégeps, les universités et SYNTHÈSE sont encouragées afin d’explorer ces idées.
Les pistes de réflexion sont les suivantes:
Envisager la possibilité de développer des profils de spécialisation ou des concentrations spécifiquement conçus pour les différentes fonctions de travail accessibles aux diplômées et diplômés des programmes collégiaux et universitaires ciblés. Les données de l'enquête ont souvent évoqué que d’offrir une première année en tronc commun, pour ensuite développer une spécialisation lors des deux dernières années pourrait améliorer l’adéquation formation-emploi entre les programmes et le seuil d’entrée des entreprises. Cela permettrait aux étudiantes et aux étudiants de développer davantage les compétences artistiques et techniques nécessaires à leur employabilité pour la spécialisation choisie, tout en conservant une connaissance transversale et généraliste des autres étapes de production.
Valoriser les stages en entreprise : les apprentissages réalisés sur le marché du travail permettraient aux étudiantes et étudiants, entre autres, de se familiariser avec les processus de production et les flux de travail, de même que de développer les savoir-être inhérents à leur travail et à l’intégration d’une équipe en contexte d’apprentissage authentique. Cette valorisation de stages pourrait se faire par une transformation des formations collégiales et universitaires de premier cycle en programme d’alternance travail-études (ATE), permettant aux étudiantes et aux étudiants d’acquérir une expérience de travail rémunérée de 6 à 12 mois, de s’accoutumer aux réalités du marché du travail et à ses transformations. Pour que la mise en place de tels programmes soit possible, les studios des trois secteurs devront collaborer davantage à la formation de la relève, en concertation avec les établissements d'enseignement. En complément, le développement d’une plateforme de maillage entre les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises spécifiquement conçue pour la création graphique 2D et 3D pourrait rendre les stages plus accessibles aux étudiantes et aux étudiants des programmes ciblés dans cette enquête.
Aborder les connaissances et les méthodes de travail propres aux trois secteurs : des effets visuels et de l’animation, du jeu vidéo et des expériences numériques immersives. Il faudrait une meilleure représentation des trois secteurs au sein de l’offre de formation initiale actuellement disponible. Deux pistes de solutions pourraient être explorées avec les institutions d’enseignements: i) adapter la structure des programmes existants afin d’aborder la création numérique 2D et 3D au sens large (incluant les exigences des trois secteurs); ii) créer de nouveaux programmes de formations spécialisés pour chacun des secteurs, notamment en développant de nouvelles offres de formation pour le secteur des expériences numériques immersives.
Développer des canaux de communication et des activités de maillage structurées afin d’homogénéiser l’accès aux informations des entreprises des trois secteurs pour les établissements collégiaux et universitaires. L’organisation de stages continus en entreprise et du mentorat pour les enseignantes et les enseignants des institutions d’enseignement supérieur développerait une communication plus soutenue avec les milieux de travail et, du même coup, permettrait le perfectionnement et la mise à jour des compétences du corps enseignant sur les outils et les pratiques des studios.
Développer un centre de technologies en expérimentation qui serait partagé par les institutions d’enseignement (cégeps et universités) et les entreprises afin d’élargir de façon importante l’accès aux laboratoires, aux équipements et aux technologies de pointe. Grâce à cette solution qui mettrait ces ressources toujours actualisées à la portée de tous et toutes, il n’y aurait aucun besoin de munir chaque établissement d’enseignement de laboratoires spécialisés en capture de mouvement, en photogrammétrie ou en production virtuelle (virtual production). La mise en place d’un tel laboratoire permettrait également la collaboration de ces organisations au sein de projets de recherche, notamment en intelligence artificielle, dont tous les acteurs en création numérique pourraient bénéficier.