Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Cette section présente les changements technologiques qui affectent particulièrement le secteur des effets visuels et de l’animation ainsi que les compétences nécessaires aux artistes afin de faire face à ces changements, en portant une attention particulière aux artistes juniors. L’utilisation des moteurs de jeux a été identifiée par la présente étude comme étant l’évolution technologique ayant le plus d’impact sur les métiers de ce secteur. Plus précisément, la technologie qui bouleverse présentement le milieu de la création des effets visuels est la possibilité d’exécuter les rendus en temps réel, engendrée par l’utilisation des moteurs de jeux dans ce secteur (4.2.1.). En ce qui concerne les compétences privilégiées par ce secteur, la présente enquête relève deux points : la spécialisation des métiers ainsi que la maîtrise des logiciels Houdini, Maya et ShotGrid (anciennement Shotgun) (4.2.2.).
Dans la présente enquête, plusieurs répondantes et répondants ont observé la tendance d’utiliser de plus en plus les moteurs de jeu dans le secteur des effets visuels et de l’animation. (Notons qu’il s’agit d’une tendance qui a aussi été soulevée par plusieurs expertes et experts du secteur des expériences numériques immersives. Voir la section 4.4.2. pour plus de détails.) Ces moteurs de rendu calculent en temps réel tous les paramètres d’une image, ce qui permet aux artistes d’effectuer et de voir des changements instantanément. Ils permettent d’appliquer ces modifications au fur et à mesure de la prévisualisation des images.
Grâce à l’utilisation d’outils qui permettent d’effectuer les rendus en temps réel, le secteur a vu paraître un nouveau type de tournage appelé production virtuelle. Dans le cadre de ces productions, on projette en temps réel des environnements et autres objets sur un mur virtuel, le plus souvent munis d’écrans à diode électroluminescente (DEL). La caméra capte directement la projection de ces environnements, objets et décors en même temps qu’elle filme la performance des actrices et acteurs. Les éclairages peuvent être travaillés simultanément. Théoriquement, il n’est plus nécessaire de créer une image composite par la suite, car tout a déjà été construit à même la captation de la caméra. Ainsi, la production virtuelle en temps réel permet de visualiser et de manipuler à la fois des éléments virtuels ainsi que d’effectuer des effets numériques au tournage au lieu de le faire en postproduction, comme c’est le cas dans les productions traditionnelles. Ce genre de procédé a pour effet d’embrouiller les frontières entre les différentes étapes de la production (voir Ashton et al. 2021, 79‑80; Gwertzman 2020). Il en découle, par exemple, une plus grande implication des artistes 3D et une intervention précoce des expertes et experts en effets visuels dans le processus de création. Notons finalement que les expertes et experts interrogés dans le cadre de cette enquête ont fait remarquer que ce type de production nécessite l’élaboration d’une vision d’ensemble et qu’elle demande une collaboration accrue entre les différents métiers (traditionnels ou non) de la production et de la postproduction. Pour en savoir davantage sur la production virtuelle, voir Bédard 2020.
Illustration: Cyril DoisneauCela dit, certaines répondantes et certains répondants ont aussi noté que les résultats obtenus avec ces outils – quoique satisfaisants pour la prévisualisation ou pour le cinéma d’animation – ne permettent pas encore une qualité d’image suffisante pour créer les rendus finaux des effets visuels d’un film. À ce jour, ce sont surtout les studios de films d’animation 3D qui se servent des moteurs de jeux à cet effet. Le plus souvent, il est également nécessaire d’apporter des retouches, ce qui est souvent plus complexe que de travailler en suivant un mode de production sur fond vert. Ainsi, il a été mentionné que dans certains cas, l’utilisation de ces moteurs de rendu en temps réel rallonge le temps de travail, car elle y ajoute une ou plusieurs étapes (manipulation d’actifs 3D, retouche d’éclairage ou autres opérations). Ce travail de correction concerne de plus près le travail des métiers graphiques, particulièrement les postes d’entrée.
Lorsque questionnés à propos de l’utilisation future des moteurs de rendu et du travail en temps réel dans le secteur des effets visuels, un très grand nombre d’expertes et experts ont répondu qu’à l'avenir ces outils seraient de plus en plus en usage et que le travail en temps réel s’immiscerait de plus en plus dans les productions. Un certain nombre ont tout de même noté l’inviabilité du travail en temps réel d’ici les cinq prochaines années, expliquant que les artistes en VFX ont rarement les compétences nécessaires pour profiter des avantages offerts par ces nouveaux outils. Un professionnel en effets visuels partage ses doutes à ce propos :
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Tel que mentionné plus haut, certaines répondantes et certains répondants ont affirmé que les artistes en effets visuels n’ont pas souvent les compétences nécessaires pour bien utiliser les moteurs de calculs d’images ou moteurs de rendu en temps réel. Compte tenu de la place que prennent ces outils dans plusieurs étapes de la chaîne de production du secteur des effets visuels et de l’animation, la présente enquête souligne l’importance de considérer l’enseignement de ces outils et de préparer les juniors aux répercussions de l’usage de ces outils sur leur travail. Un professionnel en effets visuels souligne ce besoin tout en expliquant son lien avec la spécialisation de certains métiers :
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Au cours de la présente étude, bon nombre d’expertes et experts ont souligné la forte spécialisation de plusieurs métiers ainsi que la multiplication des outils qui, à la fois, la provoquent et en découlent. En effet, une pléthore de métiers spécialisés apparaissent en raison de l’arrivée des nouvelles technologies; à leur tour, ceux-ci se développent encore plus afin d’exécuter un travail de plus en plus précis. Sur le développement des métiers, il a été mentionné que ceux qui évoluent le plus vite sont ceux qui sont partagés avec le jeu vidéo, notamment avec l’utilisation des logiciels procéduraux (éclairage, ombrage, texture et autres). Le Diagnostic des besoins de main-d'œuvre et d'adéquation formation-emploi : Secteur des effets visuels et animation de Conseil emploi métropole énumère quelques exemples d’expertises pointues ayant fait émerger d’autres métiers, tels que l’artiste créatures, l’artiste en simulation d’effets de foule ou encore l’artiste du pelage (grooming) ou du vêtement (cloth) (Côté et Pilon 2016, 37). Ceci est particulièrement vrai dans les grandes entreprises.
Comme le souligne la liste de compétences essentielles que présentent les autrices de ce rapport, chacun des métiers est appelé à maîtriser une variété d’outils propres aux tâches artistiques à réaliser, comme Nuke, Substance, ZBrush et FumeFX pour ne nommer que ceux-là (Côté et Pilon 2016, 40. Voir Annexe B pour une liste plus complète des outils, classés par discipline). De plus, les répondantes et répondants ont noté les points suivants : l’amélioration des outils de texture (texturing), d’éclairage (lighting) et de rendu pour la préproduction et le visuel ainsi que l’arrivée d’outils qui facilitent l’échange des données d’un département à l’autre et le développement d’outils pour automatiser le travail d’armature (rig). Ajoutons à ceci, que les outils existants sont de plus en plus sophistiqués, de plus en plus complexes, et demandent une mise à jour perpétuelle des compétences des artistes.
De concert avec les expertes et experts, les enseignantes et enseignants ont également souligné la nécessité de spécialiser les programmes de formation en réponse à la spécialisation des métiers et des outils dans le secteur, et ce même au sein des petites entreprises (pour plus de détails sur l’impact de ces changements sur la formation initiale, voir la section 5.3.).
Illustration: Cyril DoisneauParmi les répondantes et répondants, certains ont identifié Houdini comme étant un logiciel procédural qu’il faut maîtriser afin de créer des effets visuels. Ceci est confirmé par plusieurs sources qui l’identifient comme compétence essentielle pour les artistes d’effets visuels (Cutean et al. 2019, 43; Côté et Pilon 2016, 40) et comme cible en matière de formation par plusieurs entreprises de ce secteur (Côté, Tremblay, et Lasser 2017, 243).
Malgré l’arrivée d’autres outils, Maya est toujours fortement utilisé chez les professionnelles et professionnels du milieu. Ceci est souligné à la fois par les répondantes et répondants et dans la documentation, où ce logiciel est identifié comme nécessaire à maîtriser en modélisation, animation 3D, environnements 3D et dans la création d’effets et de particules (Cutean et al. 2019, 43; Côté, Tremblay, et Lasser 2017, 243; Côté et Pilon 2016, 40).
Selon plusieurs expertes et experts, l’utilisation de Shotgun, renommé ShotGrid en juin 2021, est très populaire pour la gestion des actifs (assets). La documentation l’identifie également comme un logiciel qui doit être maîtrisé par les professionnelles, professionnels, techniciennes et techniciens (ainsi que les cheffes et chefs d’équipe et les superviseures et superviseurs) pour la gestion de la production (Côté et Pilon 2016, 40). Il y est identifié comme un besoin en formation continue par bon nombre d’entreprises en effets visuels et en animation (Côté, Tremblay et Lasser 2017, 244).