Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Par SYNTHÈSE - Pôle Image Québec
2021-12-01
Cette partie du rapport présente les besoins et les défis de recrutement de main-d’œuvre des studios des secteurs des effets visuels et de l’animation, du jeu vidéo et des expériences numériques immersives. Les résultats présentés sont tirés des données documentaires disponibles et des entretiens menés avec les professionnelles et professionnels des trois secteurs. Les besoins sont aussi mis en relation avec l’ensemble de l’offre de formation initiale ciblée dans l’enquête.
Les données de la revue documentaire, dont les études de TECHNOCompétences et du Conseil emploi métropole en 2016 observent un manque de main-d’œuvre qualifiée pour plusieurs postes d’artistes en animation 2D et 3D et d’artistes spécialisés normalement accessibles aux finissantes et finissants des programmes de formation collégiale et universitaire. Si les entreprises en jeu vidéo n’hésitent pas à embaucher des diplômées et diplômés québécois pour pourvoir aux postes d’artistes 3D (Corbeil, Malouin et Khamassi 2016, 14), celles du secteur des effets visuels ont fréquemment recours à l’embauche de candidates et de candidats de l’étranger car elles peinent à trouver des finissantes et finissants québécois qui satisfassent aux exigences de qualification de l’industrie (Côté et Pilon 2016, 41). Les écrits recensés pour le présent rapport associent les difficultés de recrutement pour certains postes d’entrée à des lacunes dans les programmes de formation initiale (détaillée en 5.3).
Toutefois, plusieurs professionnelles et professionnels interrogés de même qu’une partie des données de la revue documentaire indiquent que les besoins en main-d’œuvre les plus importants se situent au niveau des postes requérant plusieurs années d’expérience. En particulier, les studios en effets visuels, en cinéma d’animation et en jeu vidéo affirment éprouver des difficultés de recrutement pour les postes intermédiaires (entre 3 et 8 ans d’expérience) et séniors (plus de 8 ans d’expérience) au sein de nombreuses professions (Mouvement économique métropolitain Relançons MTL 2020, 34; KPMG 2017, 2; Corbeil, Malouin et Khamassi 2016, 15; Côté et Pilon 2016, 69). Tout comme pour les postes d’entrée des métiers artistiques et techniques, les entreprises comblent ces postes en embauchant des candidates et des candidats à l’étranger, car elles font face à un déficit de main-d’œuvre qualifiée au Québec (Côté et Pilon 2016, 41‑42; Quintas 2016, 33).
Cependant, outre la mention des besoins en postes intermédiaires et séniors, peu de répondantes et répondants se sont exprimés au sujet de métiers spécifiques pour lesquels les besoins en main-d’œuvre sont plus importants. Les quelques professionnelles et professionnels qui se sont avancés précisent que les difficultés de recrutement se situent surtout au niveau des profils avec des composantes en supervision ou au niveau des métiers qui requièrent des compétences hautement techniques qui ne sont pas incluses dans les professions visées des programmes d’études collégiales et universitaires ciblés dans cette enquête.
Illustration: Cyril DoisneauDans le secteur des effets visuels et de l’animation, la collecte de données documentaires révèle que les difficultés de recrutement ciblent des postes tels des chefs d’équipe (lead) en animation, composition, éclairage et effets-simulation (FX), ou encore des superviseurs en infographie (CG), effets visuels (VFX), 2D et 3D (Côté et Pilon 2016, 41‑42).
Les cycles d’embauche des entreprises en effets visuels sont également déterminés par l’obtention de contrats, notamment pour des productions étrangères à budget important (Côté et Pilon 2016, 24). En raison de l’arrivée de nouveaux contrats pour des productions de grande envergure, les studios éprouvent des besoins de recrutement rapides qui requièrent l’embauche d’un nombre important d’artistes expérimentés, car ils ne disposent pas du temps nécessaire pour accueillir et former des artistes juniors sur leurs projets (Quintas 2016, 33).
Certains studios d’animation subissent également la tendance des besoins en main-d’œuvre plus expérimentée. Par exemple, un professionnel d’un studio d’animation nous a indiqué que le secteur était en plein essor et qu’il éprouvait, au moment de l’entretien, des difficultés d’embauche pour des profils d’artistes en effets spéciaux 2D et 3D, ainsi que pour des artistes en création de maquettes (layout) spécialisés en films d’animation. Ce profil requiert des compétences en direction photo qui ne sont pas nécessairement partagées avec les artistes en création de maquettes spécialisés en effets visuels, de sorte que la main-d’œuvre qualifiée pour ce poste devient plus difficile à trouver que pour les autres professions. Il explique :
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Dans le secteur du jeu vidéo, quelques professionnelles et professionnels indiquent éprouver des difficultés à combler des postes de gestion intermédiaire, dont des postes de chefs d’équipe dans tous les départements (art, programmation, design et autres) et de direction technique. Les métiers en programmation ont aussi été relevés comme des besoins à combler prioritairement. Par exemple, un directeur créatif d’un studio interrogé indique :
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L’ensemble de ces difficultés de recrutement a également été évoqué dans plusieurs rapports et profils de la main-d’œuvre du secteur (KPMG 2017, 24; Corbeil, Malouin et Khamassi 2016, 20).
Outre les postes en supervision ou en programmation, le métier d’artiste technique a également été mentionné comme un poste pour lequel les studios éprouvent des difficultés de recrutement. Une répondante en a parlé lors de son entretien : « les artistes techniques on en cherche beaucoup, et il n'y en a pas. Souvent on cherche des séniors, [cela] fait que c’est difficile, mais si les gens pouvaient au moins avoir une bonne base là-dedans ».
Avec la montée des jeux pour téléphones mobiles et des jeux conçus sous le modèle du « service », certains participants et participantes ainsi que plusieurs données d’études et de conférences de l’industrie évoquent des nécessités de recrutement pour de nouveaux métiers, comme les designers en monétisation (Naud, Dupont et Thabet 2020; Chambre de commerce du Montréal métropolitain 2018, 21; KPMG 2017, 12, 16). Cette nouvelle fonction intègre des compétences à la fois en design de jeu et en marketing. Ce profil est actuellement difficile à combler en raison de sa nouveauté et de la multidisciplinarité inédite des connaissances et des savoir-faire recherchés.
Dans le secteur des expériences numériques immersives, des répondantes et répondants ont indiqué que les postes de programmeurs séniors spécialisés en moteurs de jeu vidéo étaient en demande. Par exemple, un répondant a mentionné que son studio voudrait « aller chercher un ou deux autres programmeurs plus séniors un peu. Pour que les gars ici soient autonomes en équipe complète ». Le Portrait de l’industrie et retombées économiques des secteurs de Xn Québec et Habo relève des résultats similaires, ajoutant aux difficultés de recrutement du secteur les postes de développeurs, d’animateurs 2D et 3D, de producteurs ou chargés de projet, en marketing et communications, ainsi que les technologistes et techniciens. Selon l’étude, les deux tiers des entreprises éprouveraient ces difficultés de recrutement (Xn Québec et Habo 2021, 49).
Alors que les données documentaires disponibles indiquent une forte demande pour les postes de métiers artistiques graphiques jugés accessibles aux diplômées et diplômés des programmes d’études québécois, les résultats des sondages et des entretiens semblent plutôt pointer vers une hausse des besoins pour des postes intermédiaires et séniors. Ces derniers ne sont pas à la portée des programmes d’études ciblés, puisqu’ils requièrent des connaissances spécialisées et de nombreuses années d’expérience.
De même, les autres plus grandes difficultés en recrutement de main-d’œuvre recensées touchent les postes de métiers hautement techniques qui concernent davantage la relève des programmes de formation en génie informatique et logiciel (surtout pour les secteurs du jeu vidéo et des expériences numériques immersives).